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Le rôle du père mahorais face aux défis de l’éducation à Mayotte

À Mayotte, l’éducation des enfants ne peut plus reposer uniquement sur les mères. Si la tradition a longtemps cantonné le père mahorais à un rôle économique, la vie chère et l’ascension sociale des femmes imposent désormais une redéfinition. Pour l’avenir de nos enfants, il est temps que les pères retrouvent leur place au cœur de la famille....
Le rôle du père mahorais face aux défis de l’éducation à Mayotte
Un père avec son fils par MayaQ de Pixabay | Le Mahorais

À Mayotte, l’avenir se conjugue au présent. Selon les derniers chiffres de l’INSEE, avec plus de la moitié de sa population âgée de moins de 18 ans, notre département est le plus jeune de France. C’est un immense potentiel, mais aussi un défi éducatif hors norme. Qui dit enfants dit parents, et pour que cette jeunesse réussisse, le soutien de l’entourage est essentiel.

Pourtant, un constat nourrit souvent les discussions : celui d’un déséquilibre dans l’implication parentale. Si la figure maternelle est omniprésente dans les démarches administratives et les échanges avec l’école, la présence paternelle, elle, reste plus discrète. Ce phénomène, loin d’être un simple détail, interroge la société mahoraise et l’avenir de ces milliers d’enfants.

Qu’est-ce qui pousse le père mahorais à se mettre en retrait ? Est-ce l’héritage culturel qui définit encore trop les rôles ? Est-ce la pression économique qui lui donne d’autres priorités ?

Quand les rôles sont définis par la tradition et le passé

Pour comprendre pourquoi les pères mahorais peuvent se sentir en retrait, il est nécessaire de regarder derrière nous, dans l’histoire de l’île. La manière dont on élève ses enfants aujourd’hui est souvent le reflet des coutumes de nos parents et grands-parents.

Dans la culture mahoraise, la mère est depuis longtemps considérée comme le pilier central de la transmission au quotidien. C’est elle qui est la gardienne des savoirs domestiques, de la langue, des bases de la religion, et du bien-être général des enfants.

Cette division des rôles est d’ailleurs souvent résumée par un dicton très clair : « Mtru baba ka leye », que l’on pourrait traduire par « Un homme n’éduque pas ». Ce dicton, encore très utilisé, vient justifier et clarifier certaines situations, comme :

  • L’enfant qui a une réunion parents-professeurs sera naturellement conseillé d’aller voir sa mère.
  • En cas de divorce, il est coutume de dire à la femme de prendre les enfants et de ne pas les laisser au père.

Le père, garant de la survie : le poids de la mission économique

Si la mère s’occupait du foyer et de la transmission intérieure, le père avait une autre mission vitale : assurer la subsistance et la protection de sa famille. Il était le lien avec le monde extérieur (travail, transactions, affaires).

Ce rôle, souvent très prenant, a créé une division des tâches bien définie : l’éducation quotidienne pour la mère, la responsabilité financière pour le père. Le fait qu’un père soit aujourd’hui moins présent aux réunions scolaires n’est donc pas forcément un manque d’amour, mais l’écho d’une tradition où son rôle principal était avant tout d’apporter les ressources.

Son intervention est limitée à des moments précis : lorsque la mère n’a plus la possibilité de gérer une situation (manque de temps, résultats scolaires alarmants, dérives comportementales). L’homme est alors appelé pour venir clarifier les choses, rétablir la discipline et l’ordre, et non pour assurer un suivi quotidien. Cette perception a créé une distance qui subsiste encore : le père est perçu comme celui qui sanctionne ou corrige le tir, et non comme un partenaire de l’éducation.

Quand la réalité économique bouscule les rôles traditionnels

Les temps ont changé. À Mayotte, le coût de la vie est devenu l’un des sujets les plus sensibles : logement, alimentation, transport… chaque famille doit composer avec une pression financière croissante. Dans ce contexte, les rôles traditionnels se redéfinissent.

La femme mahoraise, longtemps cantonnée aux tâches domestiques et à la transmission culturelle, a pris une ascension sociale remarquable. De plus en plus présentes dans les administrations, les commerces, les associations ou même à la tête d’entreprises, elles ne sont plus seulement les gardiennes du foyer : elles sont devenues des actrices économiques majeures.

Certaines s’en sortent même largement mieux financièrement que leurs conjoints. Cette réussite bouscule l’équilibre ancien : le père, autrefois seul garant de la subsistance, voit son rôle économique relativisé. La mère n’est plus uniquement celle qui éduque, elle est aussi celle qui assure les revenus, parfois avec plus de stabilité et de régularité que l’homme.

Cette évolution crée un double effet :

  • D’un côté, elle renforce l’autonomie et la confiance des femmes, qui peuvent assumer à la fois l’éducation et la sécurité matérielle.
  • De l’autre, elle peut accentuer le retrait du père, qui se sent parfois dépossédé de son rôle traditionnel, ou en difficulté face à une femme qui réussit mieux que lui.

La société mahoraise se trouve ainsi à un carrefour : entre un héritage où l’homme était le pilier économique et une réalité où la femme devient souvent le moteur de la réussite familiale.

Recentrer le père sur l’essentiel : la famille

Aujourd’hui, il ne s’agit plus de rester prisonnier des rôles figés du passé. Les temps ont changé, et avec eux les attentes de nos enfants. Le père mahorais doit désormais mettre à jour sa place dans la famille, non pas en se cloîtrant dans les dérives de l’ancien temps, mais en se recentrant sur ce qui est réellement important : être présent, au quotidien, auprès de ses enfants.

Car il ne s’agit pas seulement de subvenir aux besoins matériels. Les enfants ont besoin de repères, de dialogue, de soutien affectif. Ils ont besoin de voir leur père comme un acteur central de leur éducation, pas comme une figure distante qui n’intervient qu’en cas de problème.

Revenir au centre de la famille, c’est accepter que l’éducation est une mission partagée. C’est comprendre que la réussite scolaire, l’équilibre émotionnel et la confiance des enfants dépendent autant de la mère que du père. Reléguer les enfants au bas-côté de la vie n’est plus une option : ils sont notre avenir, et leur épanouissement doit être au cœur de nos priorités.

Conclusion

Le retrait du père mahorais dans l’éducation de ses enfants est le fruit d’une histoire, de traditions et de réalités économiques. Mais la société évolue, et avec elle les responsabilités. La mère a pris une place nouvelle, plus visible et plus forte, et il est temps que le père fasse de même.

Réinventer la paternité à Mayotte, c’est oser dépasser les anciens schémas pour construire une famille où chacun joue pleinement son rôle. C’est reconnaître que l’amour, la présence et l’éducation ne sont pas des tâches secondaires, mais la véritable mission de tout parent.

Nos enfants ne peuvent plus être relégués. Ils sont le présent et l’avenir de Mayotte. Et pour qu’ils réussissent, il faut que le père retrouve sa place : au centre de la famille, aux côtés de la mère, et surtout, auprès de ses enfants.

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