Actuellement, Mayotte a déjà ses cartes postales, des plages qui, malgré les pollutions bien réelles dont on parle souvent, offrent encore des spots qui se démarquent et font la fierté du territoire. Dans un futur très proche, un nouvel atout pourrait venir prolonger cette image : un aéroport pensé comme le pont entre ces paysages et le reste du monde, vitrine dès l’arrivée.
Le 3 décembre 2025, l’État a tranché, en application notamment de la loi de programmation pour la refondation de Mayotte du 11 août 2025 et à l’issue d’une concertation post‑débat public : le futur aéroport de Mayotte sera construit à Bouyouni/M’Tsangamouji, sur Grande‑Terre, avec une piste longue adaptée aux vols long‑courriers et un aérodrome classé en catégorie A.
Pensé comme la nouvelle porte d’entrée du territoire, ce projet se veut à la fois vitrine architecturale, outil touristique et levier de développement économique. Reste une question centrale : jusqu’où ira, concrètement, cette « exigence de qualité » que le texte officiel place au cœur du projet ?
Ce que promet l’État pour les mahorais
Dans sa décision, l’État prévoit que le nouvel aérodrome aura vocation à accueillir l’ensemble du trafic commercial passagers et fret, en substitution de l’aéroport actuel de Pamandzi, ainsi que des activités d’aviation militaire et générale. Il sera classé en catégorie A au sens de l’article R. 6321‑36 du code des transports, c’est‑à‑dire dimensionné pour des services à grande distance, assurés normalement en toutes circonstances, notamment des vols directs vers l’Hexagone avec des avions long‑courriers de grande capacité.
Ce classement s’accompagne d’une ambition forte : un aéroport moderne, « aux standards internationaux », avec des dimensionnements revus pour l’aérogare passagers, la piste, les taxiways, les postes de stationnement avions et les installations de fret. L’objectif affiché est de garantir le désenclavement aérien de Mayotte, de sécuriser sa desserte internationale et de favoriser son développement économique à long terme.
L’exigence de qualité à l’épreuve du réel
Cette ambition de qualité pose toutefois une série de questions concrètes : comment seront choisis les concepteurs, constructeurs et l’exploitant de l’aéroport, et selon quels critères de qualité de service au‑delà des seules performances techniques ?
L’État indique que « une attention particulière sera portée à la qualité environnementale, architecturale et paysagère du projet ainsi qu’à la qualité des prestations lors de la phase de désignation » des acteurs, sans détailler à ce stade les engagements chiffrés ni les indicateurs de suivi.
Pour les usagers, la qualité se jouera aussi dans le quotidien : fluidité des contrôles, confort des salles d’embarquement, information voyageurs, gestion des retards, accessibilité depuis le reste de Grande‑Terre via la RD2 et le futur Plan général transports. C’est dans cette articulation entre grande ambition sur le papier, choix industriels, financement et gestion de long terme que se vérifiera, ou non, la promesse d’un aéroport de « standards internationaux ».
Par contre, Ra Hachiri !
Dans la vie, il y a la théorie et la pratique. Il est facile de rêver d’un monde meilleur après tout, de nombreux projets naissent de rêves, mais il ne faudrait pas oublier le but premier qui est la satisfaction des Mahorais, qui passera par la prise en compte des réalités du terrain.
Les marchés seront-ils vraiment attribués selon des critères d’excellence, ou verrons-nous des prestataires bancals empocher des millions pour nous livrer des modulaires empilés ? L’accessibilité des passagers sera-t-elle de qualité, ou déplacerons-nous simplement les embouteillages de Petite-Terre aux abords des barges vers le nord de Mayotte ? Quid de la sécurité, avec le souvenir des coupeurs de routes : des touristes se feront-ils agresser en route vers leur vol ? Allons-nous nous contenter d’une unique salle d’embarquement (ceux qui sont venus à Mayotte savent de quoi nous parlons ici.), ou encore subir les pratiques douteuses et irrespectueuses d’Air Austral envers les Mahorais ?
En parallèle, la décision reconnaît les inquiétudes sur l’avenir économique et l’emploi en Petite‑Terre, et prévoit un comité de projet sur son attractivité ainsi que l’examen de la possibilité de maintenir certaines activités aéronautiques, notamment de l’aviation générale et des évacuations sanitaires.
Entre promesse de vitrine architecturale et touristique, engagements environnementaux et rééquilibrage territorial, ce sont ces éléments très concrets (accessibilité, tarifs, qualité de service, retombées locales et transparence) que les Mahorais, observerons de près pour juger de la réalité de cette « exigence de qualité ». Nous devons rester attentifs au développement de ce sujet ô combien important.
